L'usage du monde
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Fini de lire il y'a quelques jours L'usage du monde de Nicolas Bouvier, achete a Paris alors que je cherchais des lectures pour rever notre voyage.
J'ai mis un peu de temps a accepter le rythme du livre, sa lenteur. Et puis, doucement, j'ai appris a me laisser porter, a accepter les errances de la narration. L'usage du monde est une invitation a l'abandon et a l'humilite. Le lecteur comme l'aventurier renoncent a decider et se laissent porter au gre des aleas, accidents et rencontres.
Bouvier est un spectateur empathique du spectacle permanent qui se deroule sous ses yeux, de la beaute du monde et de ses injustices. Il observe et decrit les habitants des pays traverses avec un respect joyeux : la gratitude et l'amitie ne l'empechent pas de porter un regard ironique et amuse. Le monde est source d'emerveillement si l'on sait l'accepter et s'oublier.
Extrait:
A l'est d'Erzerum, la piste est très solitaire. De grandes distances séparent les villages. Pour une raison ou une autre, il peut arriver qu'on arrête la voiture et passe la fin de la nuit dehors. Au chaud dans une grosse veste de feutre, un bonnet de fourrure tiré sur les oreilles, on écoute l'eau bouillir sur le primus à l'abri d'une roue. Adossé contre une colline, on regarde les étoiles, les mouvements vague de la terre qui s'en va vers le Caucase, les yeux phosphorescents des renards. Le temps passe en thés brûlants, en propos rares, en cigarettes, puis l'aube se lève, s'étend, les cailles et les perdrix s'en mêlent… et on s'empresse de couler cet instant souverain comme un corps mort au fond de sa mémoire, où on ira le rechercher un jour. On s'étire, on fait quelques pas, pesant moins d'un kilo, et le mot "bonheur" paraît bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive.
Finalement, ce qui constitue l'ossature de l'existence, ce n'est ni la famille, ni la carrière, ni ce que d'autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature, soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l'amour, et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible cœur.
Le recit de Bouvier resonne en moi. J'aimerais etre ce voyageur passant l'hivers coince dans un village du nord de l'Iran, traversant la frontiere afghane a l'arriere d'un camion defonce ou jouissant d'un sentiment de plenitude fugace et bouleversant en regardant le lever du soleil au bord d'une route turque.
Vivement qu'on parte.
1 comment:
Ce voyage l'a marqué à vie. Il n'en est pas revenu guérit. C'est con les voyages. Et c'est géant. On peut s'acheter des rétroprojecteurs, des 4X4, des cafetières expresso... rien ne remplace le voyage. Ce texte m'a aussi marqué, au fer rouge. Parsemé de belles maximes (pas pour enseigner hein, comme dit P.A, pour donner du tempo), nonchalent, pur.
Content qu'il t'ait plu ;-)
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